L’ouverture des données du secteur des arts de la scène au Canada passe par les organismes de services aux arts

Les moteurs de recherche et autres technologies de découverte ne sont pas actuellement en mesure de trouver, de lire ou de traiter une grande partie de l’information sur les entités, c’est-à-dire les artistes, metteurs et metteuses en scène, concepteurs et conceptrices, chorégraphes, organismes, lieux et événements du secteur canadien des arts de la scène parce que cette information n’est pas correctement formatée. Le résultat : elle est la plupart du temps ignorée ou sous-utilisée.

L’initiative Un Avenir numérique lié (ANL) a été mise sur pied pour faciliter la recherche d’informations sur les arts vivants et favoriser l’établissement de meilleures connexions entre les travailleurs et travailleuses du secteur des arts vivants et le public à l’ère du numérique. L’un des moyens d’y parvenir est de convertir des informations déjà disponibles publiquement en données réutilisables et accessibles dans des bases de données ouvertes, telles que Wikidata et le graphe de connaissances Artsdata.

Bien que l’initiative ANL ait pris la direction de ces travaux, il faudra que de nombreux leaders du secteur des arts de la scène au Canada contribuent des informations pour que cette vision devienne réalité.

L’importance des organismes de services aux arts

Les organismes de services aux arts (OSA) et autres associations sectorielles détiennent une grande quantité d’informations sur le secteur des arts vivants. Ils ont donc un rôle central à jouer dans sa transformation numérique axée sur les données.

En collaborant avec l’ANL et en travaillant directement avec leurs membres pour encourager la mise en forme et la mise en liaison appropriées de leurs données, ces organismes contribuent directement à accroître la découvrabilité des arts vivants en ligne.

Depuis 2021, l’ANL a contacté 21 OSA de diverses manières pour les renseigner au sujet de l’ANL et se concerter avec eux pour réaliser les avantages pour les arts vivants d’avoir des données ouvertes.

Ces démarches ont remporté de nombreux succès tout en se butant à des défis de taille.

Les défis

De nombreux organismes que nous avons contactés ont reconnu les avantages des données ouvertes. Cependant, de nombreux obstacles ont limité leur possibilité d’ouvrir leurs données.

Le manque de ressources humaines pour collaborer à l’ouverture des données sur les membres et pour obtenir l’adhésion des membres, tout en maintenant une liaison cohérente avec l’ANL afin faciliter le téléversement de données, a constitué un obstacle important. La pandémie de COVID-19 a mis les ressources des organismes artistiques à rude épreuve. Leur survie devenant l’enjeu principal, de nombreux OSA n’ont pas pu accorder la priorité, du moins pas dans la mesure anticipée, au processus d’ouverture des données, bien que celle-ci soit essentielle à la pérennité du secteur. Alors que le maintien de leurs activités était primordial, certains OSA ont également assumé des rôles inattendus en tant que distributeurs de fonds de soutien COVID-19, ce qui a exercé une pression supplémentaire sur des ressources en personnel déjà limitées.

La qualité et l’exhaustivité des données ont également constitué des défis. Les OSA disposaient parfois de données périmées ou jugées peu fiables. D’autre part, bon nombre de dossiers de membres étaient incomplets et dans certains cas, des informations essentielles d’identification et de description n’avaient tout simplement pas été recueillies. Ainsi, un OSA pouvait n’avoir qu’un nom et une adresse électronique dans sa base de données pour un membre spécifique (par exemple, Jeanne Dupont jeanne.dupont@quelquepart.com). Sans champs de données supplémentaires tels que le genre, le lieu de travail, le site web, le domaine d’activité ou les identifiants de réseaux sociaux, nous n’en savons pas assez sur Jeanne Dupont pour déterminer si les enregistrements portant le même nom dans d’autres bases de données concernent effectivement la même personne (c’est l’étape de « désambiguïsation » des données). Ce type d’enregistrement de données ambiguës ne présente pas un grand potentiel de découverte et de réutilisation. Peu importe qu’il soit divulgué ou non dans Wikidata, il sera ignoré par les moteurs de recherche.

Les réussites

Malgré les difficultés rencontrées, l’équipe de l’ANL a surmonté plusieurs obstacles et a connu de nombreux succès grâce à son travail avec les OSA.

En l’absence d’informations explicites de désambiguïsation, telles que le lieu de travail ou la profession de l’artiste, nous nous sommes appuyés sur des informations implicites dans l’ensemble de données. Par exemple, nous savons avec certitude que tous les membres de l’Union des Artistes ont un lieu de travail au Canada, que tous les membres de l’Indigenous Performing Arts Alliance peuvent être considérés comme ayant la profession « artiste » et que tous les lieux de spectacle figurant dans la base de données de Scène Pro sont des « salles de spectacle ». Ces points de données ne sont peut-être pas aussi fins que nous l’avions espéré, mais ils étaient précis et comblaient des lacunes essentielles en matière d’information.

Nous avons également réussi à mettre en correspondance de nombreuses structures de données avec les classifications correspondantes de Wikidata. Nous avons notamment mis en correspondance 76 professions de la taxonomie de l’Union des Artistes avec les classes de Wikidata.

Pour sa part, l’Indigenous Performing Arts Alliance (IPAA) souhaitait un cadre politique correspondant à ses valeurs. Nous avons accompagné l’IPAA dans la conception et la publication de sa stratégie de souveraineté des données. Cette stratégie repose sur des principes autochtones de collecte, de gestion et d’utilisation des données. Elle met l’accent sur la possibilité pour les membres de l’IPAA d’exercer un droit de propriété et de contrôle sur les informations et les données qui circulent à leur sujet dans la toile des données ouvertes. L’IPAA a également apporté des modifications à son formulaire d’adhésion afin de recueillir des informations supplémentaires qu’elle jugeait importantes sur les artistes autochtones.

En collaboration avec le Regroupement québécois de la danse (RQD), nous avons réussi à téléverser dans Wikidata les données de 542 individus et organismes membres.

Le RQD a embarqué dans le projet « Un Avenir numérique lié » avec enthousiasme! En participant au téléversement des données des membres du répertoire du RQD dans Wikidata, le Regroupement québécois de la danse (RQD) croit en la constitution d’un graphe de connaissance pour les arts de la scène et plus particulièrement pour la danse. Nous croyons en la théorie des petits pas! Nous croyons fermement qu’Il contribuera à accroître la visibilité de la danse, et plus particulièrement de nos membres, sur le web.
Aurélie Lauret – Regroupement québécois de la danse

L’ANL prévoit de poursuivre la collaboration avec le RQD en organisant une série d’ateliers cet automne pour expliquer aux artistes comment enrichir et maintenir leurs données ouvertes. Une activité semblable d’enrichissement des données a récemment eu lieu avec les membres d’Orchestres Canada et a donné lieu à 123 révisions.

L’ANL a également collaboré avec les Prix Siminovitch et les Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle afin d’ouvrir les données relatives à leurs lauréats et lauréates, augmentant ainsi la possibilité de découvrir en ligne les programmes de prix et les artistes célèbres.

Nos collègues de La Culture Crée ont également développé un nouveau widget qui génère des listes de tous les ensembles de données publiés en tant que données ouvertes sur Wikidata dans le cadre de l’initiative Un Avenir numérique lié.

En reconnaissance des ressources humaines limitées dont disposent les OSA, l’ANL a créé une série de blogues et d’ateliers en ligne pour guider ces organismes et leurs membres sur la façon d’ouvrir leurs données. Il s’agit notamment des ressources suivantes :

Enfin, le travail de sensibilisation de l’ANL auprès de divers OSA a également suscité d’importantes conversations sur la nécessité de données de qualité et sur la manière de collecter ces données.

Continuer dans la bonne voie

Pour soutenir les organismes de services aux milieux artistiques dans cette collecte de données, l’ANL a créé une boîte d’outils de sensibilisation. Il comprend des conseils sur la communication avec les membres pour obtenir leur consentement à l’ouverture des données, ainsi qu’une liste détaillée des types de données que les organismes de services aux arts peuvent collecter auprès de leurs membres pour améliorer la qualité des données et enrichir les profils en ligne et leur découvrabilité. Des travaux sont également en cours pour finaliser un modèle de données pour les organismes artistiques, ainsi que des vocabulaires contrôlés comportant des listes standardisées pour différents types d’organismes.

Longtemps après la fin de l’initiative Un Avenir numérique lié, son objectif de création d’un écosystème de données ouvertes liées pour les arts vivants se poursuivra grâce au travail des organismes de services aux arts qui acceptent d’ouvrir leurs données pour favoriser la découverte des arts de la scène.